Né en 1944 à Tunis, Tunisie.
Décédé le 26 juillet 2022.
Artiste multi-technique, Jean-Luc Parant est à la fois sculpteur, dessinateur et écrivain. Formé à l’École Boulle de 1961 à 1966 en sculpture sur bois, il réalise en parallèle de ses études ses premiers tableaux de cire en relief en 1962/63 et organise sa première exposition personnelle à l’Hôtel Colbert de Torcy cette même année. En 1971, il crée ses premières boules comme autant de projections d’yeux dévorant l’espace et le monde et s’intitule lui-même « fabricant de boules et de textes sur les yeux ». Ce répertoire élémentaire qu’il s’est choisi, boules et yeux, a façonné son travail artistique et littéraire acharné fait d’ « obsessionnelle obstination » (Alain Jouffroy). Depuis toujours, Jean-Luc Parant poursuit une œuvre double d’artiste et d’écrivain tout à fait singulière, fasciné par les questionnements autour du passage du plan au volume, de l’esprit à la matière et du visible au touchable. Il publie en 1973 son premier texte sur les yeux intitulé Les boules intouchables. De toutes tailles, souvent noires, de formes sphériques et couvertes d’aspérités, ses boules peuvent être laissées nues, ou entaillées de chiffres ou de mots, voire recouvertes de papier. Souvent présentés in situ, ses environnements peuvent parfois prendre une forme monumentale comme ce fut le cas au Musée d'Art Moderne de Villeneuve d'Ascq en 1985 avec 100.001 boules ou lors de la première Biennale de Lyon avec Éboulement (1991). Créateur de la Maison de l’art vivant et président d’honneur du Marché de la poésie en 2018, il est l’auteur d’une centaine de livres et a exposé, entre autres, à la fondation Maeght, au Centre Georges-Pompidou et au musée d’Art moderne de la ville de Paris.
Sept expositions personnelles de Jean-Luc Parant ont eu lieu à la galerie Lara Vincy : Boules ? en 2004, Bibliothèque idéale en 2006, (L)ivre de nuit en 2008, Parantosaures en 2010, Mots et Merveilles en 2012, Les seules frontières sont les frontières animales en 2014 et À quatre mains en 2016.
« Il y avait donc des peintures qui étaient déjà des peintures à la cire, sur des planches : c’étaient des bas-reliefs en cire. […] Dans ces bas-reliefs, les yeux jouaient déjà un très grand rôle. Et puis, peu à peu, la cire est passée de l’autre côté de la planche-support : c’est devenu des bas-reliefs doubles, à deux faces. C’est à partir de ce moment là que ça a évolué vers la boule : il y a eu un moment où il a fait de grandes planches avec des ventres, c’est-à-dire que le relief est devenu de plus en plus fort, à tel point qu’il y avait des demi-sphères sur la planche. Et l’évolution tout à fait normale ça a été de passer à la sphère : là vraiment, la cire a complètement dévoré, recouvert et mangé son support. »
Michel Butor dans un entretien de 1977 avec Michel Sicard à propos de Jean-Luc Parant in "Jean-Luc Parant, Imprimeur de sa propre matière et de sa propre pensée", collectif, éditions José Corti, 2004.
« La première boule a été un tableau trop gros, où les yeux, que je tentais de représenter comme s’ils étaient vrais, étaient trop gonflés et recouvraient la face et le dos, le côté droit et le côté gauche, le bord du haut et le bord du bas du tableau.
La première boule a été un tableau qui n’avait plus de dessous et de dessus, plus de côté, plus de sens. J’ai alors quitté le support du tableau, je me suis séparé de la surface plate sur laquelle je travaillais comme si la terre était devenue ronde, j’ai fait des boules. Les premières boules avaient encore le dessin des bonshommes puis des yeux, ensuite elles se sont suffi à elles-mêmes, elles sont simplement devenues mâles et femelles. […]
La boule est le tableau devenu touchable. Le tableau est la boule devenue intouchable. Comme si la sculpture était de la peinture pour les mains et la peinture de la sculpture pour les yeux. Quand une forme devient invisible elle se met en boule, quand elle devient visible elle se met à plat. Touchable, la terre en boule devient invisible sous nos pieds ; intouchable, le soleil à plat devient visible sous nos yeux. Nous touchons et tout est en boule autour de nous, comme nous voyons et tout est à plat ; ou nous ne pouvons pas toucher et tout est à plat, comme nous ne pouvons pas voir et tout est en boule.
Le tableau sans la boule c’est la vue sans le toucher, c’est la lumière sans l’obscurité, et sans l’obscurité la lumière n’éclaire rien, elle n’est que du feu qui brûle tout.
Je fais des boules pour faire la nuit et je fais des tableaux pour faire le jour. Avec mes boules et mes tableaux, j’ai les deux côtés de la terre sous mes pieds, j’ai les deux côtés de mon corps sous mes mains et sous mes yeux. »
Jean-Luc Parant dans un entretien de 1999 avec Nadine Gomez-Passamar in "Les yeux les boules, les boules les yeux", éditions de la Réunion des Musées Nationaux, 1999.