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ART PARIS ART FAIR

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Youri Vincy est heureux d'annoncer sa participation à ART PARIS ART FAIR 2020 qui aura lieu au Grand Palais du 10 au 13 septembre 2020


"PARIS, MON AMOUR"


Denise A. Aubertin
Ben
Esther Ferrer
Robert Filliou
Brion Gysin
Raymond Hains
Jean-Luc Parant


Après les sinistres attentats parisiens de 2015, le titre du livre d’Ernest Hemingway Paris est une fête fleurissait sur toutes les bouches et sur toutes les tables des bonnes librairies : comme une conjuration du mauvais sort qui venait de toucher la capitale, ou comme l’expression d’un désir de vivre plus fort que celui de mourir et de détruire.

Au sortir de la crise sanitaire liée au Covid cette année 2020, le projet d’exposition Paris mon amour présenté à l’occasion d’ArtParis 2020 se veut être un nouvel éloge du romantisme et de l’amour, en ces temps où les embrassades et les poignées de mains sont toujours proscrites.

Après deux mois d’un printemps confiné, chacun a pu se rendre compte à quel point l’art et les artistes nourrissent nos existences en s’interrogeant sur le sens qu’ils donnent à leur vie de création. Beaucoup d’entre nous ont pu prendre le temps de lire pendant ce temps de « retraite ». Les livres étant les objets à la fois les plus confinés et les plus ouverts sur l’infini des pensées, les livres cuits de Denise A. Aubertin sont une sorte d’injonction à « manger » les mots, les avaler, les digérer. Un commandement paradoxal à ouvrir le livre enfermé sous sa coque de plexiglas pour en faire une nourriture céleste.

Denise A. Aubertin a réalisé ces livres cuits entre 2010 et 2013, juste avant qu’elle cesse de travailler :
Jazz in Paris de Boris Vian, L’année de l’amour de Paul Nizon, Un amour de Swann de Marcel Proust, La Cantatrice chauve d’Eugène Ionesco… tous ces livres cuits sont les multiples aliments rares d’une recette qui célèbre la ville de Paris, la musique et l’amour, aliments dont nous devons nous emparer pour lutter contre la maladie et la mort.

Les artistes ont l’habitude du confinement propice à la réflexion et à l’approfondissement de leur recherche. Ils montrent par leur travail que la vie ne saurait leur être confisquée et que le sens de leur création est avant tout la liberté.

« Il n’y a pas d’art sans liberté », écrit précisément Ben en blanc sur noir, de sa belle écriture manuscrite devenue signature, comme un credo sur lequel l’artiste aurait fondé toute sa conduite, tout son art. Ce tableau fait partie d’un ensemble de plusieurs œuvres constituant les prémices d’un projet artistique inscrit dans la ville de Paris, dans le quartier de Belleville en 1993 et intitulé Le Mur de Belleville. L’idée de Ben était alors de présenter des tableaux interchangeables en haut d’un échafaudage, comme des affiches publicitaires dans un diaporama. Finalement, un seul tableau fixe avait été retenu.
Apparaissant brusquement dans le champ visuel du promeneur du quartier de Belleville, cette déclaration de Ben « Il faut se méfier des mots » donne à penser. L’artiste nous affirme par là même son pessimisme, l’autre face de son optimisme : il faut prendre garde aux mots qui peuvent être trompeurs. Pour l’artiste, il s’agit de mettre en doute le langage, le doute et le rapport à la vérité étant deux aspects fondamentaux et constitutifs de l’œuvre de Ben. C’est l’ensemble des pièces de ce projet qui est ici présenté pour la première fois.

Une photographie d’Esther Ferrer de la série « Le livre des sexes » avec le mot amour répété et formant un cœur autour du sexe photographié de l’artiste s’expose comme une circulation hypnotique des mots à la surface du corps féminin. Une feuille d’arbre cache en partie ce sexe féminin : une pudeur sans pudeur qui est le privilège des créateurs.

Un « pavé cadeau » d’Esther Ferrer, pavé de rue entouré d’un ruban bleu-blanc-rouge datant de 1980, nous montre une image possible de la rébellion : mai 1968 n’est pas loin. C’est l’esprit français du sens de la contradiction et des idéologies tranchées qui est ici mis en scène par Esther Ferrer. Un pavé en guise de cadeau : un objet qui peut faire mal mais qui, enveloppé de son ruban, s’adoucit de la devise bleu-blanc-rouge : liberté, égalité, fraternité.


Musique télépathique
de Robert Filliou, de 1981, est un objet assemblé composé d’une brique, d’une petite Tour Eiffel touristique, et d’un papier tapuscrit sur lequel on peut lire : « Musique télépathique / Llos Angellles / Partition intégrale signée ».
Inspirée de pratiques spiritualistes ou occultes chères à Robert Filliou, cette œuvre postule un mode de communication immatériel, de recherche de correspondances, d’ordre spirituel, musical ou poétique, entre l’œuvre et le spectateur, ou entre le spectateur et un autre spectateur imaginaire ou distant (situé par exemple à Los Angeles et ses multiples « l »), ces spectateurs, réels ou imaginaires, pouvant se mettre ainsi sur la même longueur d’onde, dans une même partition musicale. Comme souvent dans le mouvement Fluxus, les spectateurs sont directement partie prenante du fonctionnement de l’œuvre.


Toujours autour du thème croisé de Paris et de l’Amour, des tirages photographiques de Brion Gysin, sous forme de dix planches contact, livrent des images presque en mouvement du Centre Pompidou en pleine construction en 1974, devant lequel l’artiste a habité. Beaubourg le dernier musée est ainsi un éloge quasiment abstrait où échafaudages, escaliers roulants, passerelles, pavés de rue se mêlent poétiquement. L’artiste semble arpenter l’ossature du futur Centre Pompidou comme les méandres d’un corps familier dont il serait amoureux.


La Tour Eiffel revient par l’entremise de Raymond Hains et de son affiche lacérée de 1971 où une Tour Eiffel tronquée s’enveloppe de déchirures de couleur. Prélevée dans l’espace public lors d’une déambulation de l’artiste, cette affiche lacérée et marouflée sur toile élève au rang d’œuvre d’art un objet manufacturé déchu et ouvre la voie à un principe d’appropriation que l’artiste n’aura de cesse d’expérimenter. Dans un esprit dadaïste, la pratique se fonde sur un système d’associations, de coïncidences et d’analogies entre les êtres, les mots, les choses, les objets, les lieux et les images : ici la Tour Eiffel d’acier se pare de couleurs chatoyantes. Paris déchirée mais Paris exaltée et énamourée.


Enfin la dernière œuvre présentée dans ce projet est celle de Jean-Luc Parant qui a travaillé sur une carte de géographie du XVIIIème siècle. Un plan de Paris et de ses faubourgs devient le support d’un dessin de gargouille : La gargouille des faubourgs amoureux. Ce plan rehaussé de milliers de petites boules à l’encre de Chine dessinant un animal fantastique – la gargouille parisienne typique des architectures grotesques romanes et gothiques – est un hommage à Notre-Dame, à l’amour et à ses flèches tout droit sorties de la bouche du dragon ailé planant sur un Paris ancien mais revitalisé. L’artiste aux milliers de boules de cire, de terre, d’encre ou de papier, trace le décompte de ces boules comme le décompte de l’espace parcouru, du temps qui passe ; espace et temps qui nous font tourner en rond. C’est la boucle qui crée la renaissance…


Les forces de vie des artistes présentés sont communicatives : nous lisons des livres cuits, nous nous libérons par l’art, nous nous rebellons, nous communiquons à distance, nous grimpons aux façades des musées, nous survolons la Tour Eiffel, nous planons sur la Seine qui emporte avec elle jusqu’à l’océan immense les noms de tous les saints et de tous les damnés.


Kristell Loquet