EXPOS

JEAN LUC PARANT

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Cette quatrième exposition personnelle de Jean-Luc Parant à la galerie Lara Vincy est l’occasion pour l’artiste de montrer son Parantosaure, son « propre monstre », animal de tous les éléments, décliné sous toutes ses apparences : formes, ombres et « paroles » en échos. Ces Parantosaures ne sont pas sans rappeler les multiples dessins de jeunesse de JLP, où les yeux s’étiraient sous toutes sortes de formes, bien souvent animales, comme si ces dessins d’yeux du début des années 60 avaient été les prémisses de ces Parantosaures des années 2010.

Entrer dans la galerie Lara Vincy comme entrer dans la nuit ; non pas dans la nuit que fait naître la disparition du soleil dans le ciel, de ce côté ou de l’autre côté de la terre quand il fait jour de l’autre côté ou de ce côté, mais dans la nuit de l’origine, la nuit des premiers hommes et à la fois dans notre propre nuit, la nuit en nous-mêmes, la nuit de notre propre disparition, la nuit du dernier des hommes. La nuit la plus nuit.
J’ai inventé pour l’occasion l’animal que je recherchais depuis longtemps. Mon animal à moi, mon dinosaure, mon propre monstre : le Parantosaure, un animal dont la tête et la queue sont faits à partir du contour de mes mains, de ma main droite et de ma main gauche, les membres qui m’ont permis de me redresser et de faire mes premiers pas sur le sol. Les membres qui sont apparus quand nous nous sommes mis debout pour la première fois pour nous différencier de tous les autres êtres vivant sur la terre, dans l’eau et dans l’air. Les membres qui se sont transformés quand nous avons quitté le sol avec eux et que nous nous sommes levés pour voir plus loin, levés très haut pour voir le ciel et, à partir de cette vision, pouvoir nous projeter en lui et penser. Car avant de nous soulever de terre, et d’avoir des mains, nous ne pouvions pas voir le ciel sans fin, le ciel sans fin était invisible au-dessus de notre corps couché. Le monde avait une fin sous nos quatre membres qui touchaient la terre. Le ciel n’existe pas en rampant, rien ne vole dans l’espace, à quatre pattes sur le sol, tout se retient à la terre qui tourne et que l’obscurité fait tourner encore plus vite sous nos mains et sous nos pieds.
Nous sommes sortis des grottes et de l’obscurité et nous avons découvert le ciel, une autre grotte immense et sans fin qui nous a recouverts de sa lumière, et dans cette grotte où nous vivons, nous sommes prêts à sauter au-dehors en volant dans le vide infini, comme nous sommes sortis des grottes en marchant dans le feu du soleil. Nous sommes toujours dans une grotte, dans une grotte où le feu a pris le pas sur la nuit et l’espace sans fin. Nous brûlons, nous voudrions partir. Nous nous préparons à nous en échapper, nous nous sommes déjà approchés de la sortie en inventant des avions pour parcourir l’espace immense que nous apercevons la nuit dans le ciel à travers une ouverture qui se serait créée à la disparition intermittente du soleil dans le ciel, et dont la réapparition nous permet de vivre dans le monde sans risquer d’être happés par tous les éléments qu’un mouvement fou emporte au-dehors en l’univers qui explose sans cesse.
Nous ne sortirons pas du monde debout en marchant comme nous sommes sortis des grottes debout sur nos jambes avec nos mains pour toucher ce que notre corps ne pouvait plus toucher ; nous quitterons le sol de nos membres arrière après l’avoir quitté de nos membres avant et nous sortirons du monde où nous vivons en volant, avec des ailes pour envelopper ce que notre corps trop loin ne peut pas atteindre et que nos yeux ne peuvent plus saisir. Nous verrons tout, nous toucherons tout. Nous serons dans l’infini tout entier, non pas dans l’infini que fait naître la disparition du soleil dans le ciel, de ce côté ou de l’autre côté de la terre quand il fait jour de l’autre côté ou de ce côté, mais dans l’infini de l’origine, l’infini du début des temps et à la fois dans notre propre infini, l’infini en nous-mêmes, l’infini de notre propre disparition, l’infini de la fin des temps. L’infini le plus infini.

Jean-Luc Parant